Fini d’aspirer avec la bouche

Fini d’aspirer avec la bouche

1850-1981 : Eppendorf lance le système en microlitres. Il y a 60 ans, Eppendorf lançait la commercialisation de la première pipette à piston au monde. Et quoi de mieux pour fêter cet évènement que de plonger dans les livres d’histoire pour découvrir comment tout a commencé ?

Nous vous mettons au défi de trouver un laboratoire de recherche, industriel ou d’hôpital qui ne dispose par d’une panoplie de pipettes. Ces outils que l’on a tendance à ne plus voir par habitude sont omniprésents ou presque sur les paillasses. Ils sont essentiels à pratiquement tous les protocoles de laboratoire et jouent un rôle primordial à l’heure actuelle dans les biosciences et les biotechnologies. La science utilise des pipettes depuis très longtemps, mais peut-être en serions-nous encore réduits aujourd’hui à pipeter à la bouche si Eppendorf ne nous avait pas fait entrer dans l’ère du pipetage de précision.

Le pipetage à la bouche laissait un goût amer

Pour découvrir les précurseurs de la pipette moderne, il nous faut remonter au 18e siècle et au chimiste et inventeur français, François Descroizilles, le père des berthollimètres et des alcalimètres1. Après lui, Joseph-Louis Gay Lussac apporte quelques modifications mineures à ces prototypes et les baptise du nom de pipette en 18241. Il faudra toutefois attendre les années 1950 pour qu’elles prennent la forme que nous connaissons aujourd’hui.

Henri Schnitger est universellement reconnu comme étant le père de la micropipette. En 1957, il intègre une équipe de chercheur de l’Institut de chimie physiologique de l’Université de Marbourg où l’inexactitude du pipetage à la bouche l’exaspère rapidement2. Cette technique consistait en effet à aspirer à la bouche des liquides dans de minces tubes en verre. Ces pipettes étaient non seulement nettoyées régulièrement avec des produits chimiques dangereux comme de l’acide sulfurique, mais le bruit courrait que le pipetage à la bouche était impliqué dans l’ingestion de substances dangereuses, y compris de cultures de la typhoïde 3 et même de plutonium4.

Schnitger s’éclipse quelques jours, puis retourne dans son laboratoire après avoir bricolé un outil permettant d’aliquoter des volumes avec une précision au microlitre. Cet outil, aujourd’hui couramment appelé la pipette « Marburg », combinait une ancienne seringue à tuberculine à laquelle était ajouté un ressort sur le piston qui s’arrêtait à une butée vers le haut déterminant le volume. Non content de remplacer l’aiguille de la seringue par une pointe en polyéthylène, Schnitger conçoit son outil de manière à ce qu’un tampon d’air sépare le liquide du piston de la seringue afin de le confiner dans la pointe en polyéthylène2.

Le rôle de Schnitger dans l’histoire de la micropipette ne s’arrête pas là. Son supérieur hiérarchique à l’Université de Marbourg reconnaît très vite l’importance de l’invention de Schnitger. Il décharge alors ce dernier de son travail de recherche et l’encourage à poursuivre le développement de son invention. Après avoir intégré un deuxième ressort coaxial qui permet à l’utilisateur d’expulser la dernière goutte de liquide, et apporté des modifications mineures, Schnitger dépose le 3 mai 1957 une demande de brevet en Allemagne. Près de quatre ans plus tard, le 24 avril 1961, sa demande est enfin approuvée. Son brevet décrit non seulement toutes les caractéristiques essentielles d’une pipette moderne, mais fournit aussi des axes d’amélioration des erreurs liées aux effets de la température ambiante, ainsi qu’une approche des aspects mécaniques nécessaires pour pipeter des volumes variables2.

Heinrich Schnitger a déposé une demande de brevet décrivant un « appareil pour le pipetage rapide et précis de petits volumes de liquide », la première micropipette.
La pipette à piston d’Eppendorf continue d’évoluer après le lancement de la première « pipette Marburg » en 1961.

Eppendorf ouvre la voie à la manipulation moderne de liquides

Eppendorf est la première à prendre conscience de la portée de l’invention de Schnitger et son ingénieur interne, Wilhelm Bergmann, continue d’investir dans son amélioration. Bergmann crée entre autres de nouvelles formes facilitant la manipulation et remplace le Teflon des points par du polypropylène (PEP). Son travail aboutit en 1961 avec la commercialisation par Eppendorf de la première pipette à piston. Bergmann joue non seulement un rôle essentiel au lancement de la pipette à piston sur le marché, mais on lui doit aussi la conception du premier tube à usage unique pour manipuler des volumes en microlitres (l’ « Eppi® »).

Schéma technique des premiers Eppendorf Tubes® (« Eppi™ »). Le développement de vaccins serait impensable aujourd’hui sans l’Eppi™ et ses propriétés uniques de matériaux qu’Eppendorf améliore sans cesse.
Le « système en microlitres » d’Eppendorf : cette approche holistique établit de nouvelles normes dans les laboratoires du monde entier.

Avec la pipette à piston, la centrifugeuse en microlitres et le thermomixeur, ces tubes à usage unique forment le système en microlitres d’Eppendorf, une gamme révolutionnaire d’outils destinée à de nombreuses disciplines scientifiques. Malheureusement, en 1964, quelques années seulement après le début de la commercialisation de son invention par Eppendorf, Schnitger se noie dans un lac bavarois2.Toutefois, Eppendorf continue de porter son œuvre et son goût de l’innovation. L’entreprise poursuit ses investissements dans la mise au point de pipettes à piston et lance en 1976 la pipette Eppendorf Comforpette 4700. La Comforpette 4700 est alors la première pipette à disposer d’une éjection automatique de la pointe, ce qui évite tout contact direct entre la main de l’utilisateur et la pointe utilisée. Ce système est particulièrement important lorsque l’on manipule des liquides dangereux.

La première pipette à éjection automatique de la pointe : l’Eppendorf Comfortpette 4700.

La démocratisation de la pipette dans le monde entier a fait apparaître de nouveaux défis et a inspiré de nouveaux designs. La pipette originale reposait par exemple sur le principe du coussin d’air. Elle était certes extrêmement précise pour la plupart des applications, mais la température et la pression atmosphérique, ainsi que la viscosité, la volatilité et la tension de surface de la solution pouvaient lui donner du fil à retordre. C’est ce qui a mené au développement d’appareils à déplacement positif. Contrairement aux pipettes à coussin d’air, ils ne possèdent pas de piston à l’intérieur de la pipette. À la place, le piston est intégré totalement aux pointes à usage unique spéciales et entre en contact direct avec le liquide.

L’absence de tampon d’air dans les pipettes à déplacement positif garantit que les caractéristiques du liquide ne modifient pas l’exactitude. Ces modèles sont ainsi parfaits pour travailler avec des liquides difficiles. Le système Multipette®/Combitips®, commercialisé en premier par Eppendorf en 1978, suit le principe du déplacement positif. Il s’agit du tout premier appareil permettant à l’utilisateur de remplir une fois la pointe et de distribuer son contenu en plusieurs fois. Ce système reste essentiel pour manipuler efficacement des liquides et il fait partie de l’équipement de base de nombreux laboratoires utilisant des plaques et des séries de tubes. Les modèles actuels de Multipette/Repeater sont les appareils à déplacement positif essentiels de la gamme d’Eppendorf. Ils marient la qualité de leurs prédécesseurs aux dernières innovations du domaine de la technologie de pipettes.

Le système manuel distributeur/pointe Multipette®/Combitips® a très rapidement trouvé son public dans les laboratoires.

Un avenir radieux

60 ans se sont écoulés depuis le lancement par Eppendorf de la première version commerciale de la pipette à piston, un outil qui a révolutionné les fondements de la pratique scientifique. Ce moment historique signifie que l’ADN d’Eppendorf se retrouve maintenant dans chaque pipette fabriquée. Toutefois, l’histoire continue. Eppendorf s’engage sans cesse à fournir les meilleures solutions de manipulation de liquides et met au point des designs innovants afin que les laboratoires soient toujours plus efficaces, sûrs et confortables !
 

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Références
1. Origins of the Pipette: Why Today’s Scientists Don’t Need to Use Their Mouths – The Incubator. http://incubator.rockefeller.edu/origins-of-the-pipette-why-todays-scientists-dont-need-to-use-their-mouths/.
2. Klingenberg, M. When a common problem meets an ingenious mind. EMBO Reports vol. 6 797–800 (2005).
3. Phillips, G. B. & Bailey, S. P. Hazards of Mouth Pipetting * 1190.
4. Lawrence Bartell’s Interview | Manhattan Project Voices. https://www.manhattanprojectvoices.org/oral-histories/lawrence-bartells-interview.


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